lundi 14 septembre 2009

Le maestro est parti


Auteur: Patrice-Manuel Lerebours pour Le Nouvelliste

L'un des plus grands musiciens haïtiens a succombé à une crise cardiaque le mercredi 2 septembre 2009, vers 11 heures 30 du soir, à l'hôpital St- François de Sales, à Port-au-Prince. Avec lui, c'est toute une époque qui s'en va. Le grand chef d'orchestre et musicien que fut Hulric Pierre Louis était déjà, de son vivant, un véritable monument qui, en maintes fois, fut honoré pour son apport à l'art haïtien. Hier patrimoine vivant, il est entré dans l'immortalité, emportant avec lui un peu de chacun de nous.

Né à Duty, 4e section communale de l'Acul du Nord le 22 septembre 1928, Hulric Elima Maurice Solon Pierre-Louis passe les premières années de son enfance au Cap-Haïtien avec sa mère, Andréa Pierre, couturière, jusqu'à la mort de celle-ci en 1935. Il n'a que 7 ans, à cette époque, et va vivre avec son père, Constant Pierre-Louis, qui exerce les métiers de tailleur et de coiffeur. C'est là que commence à s'écrire une des plus belles pages d'histoire de la musique haïtienne. Cet homme, rude travailleur, qui nourrit de grandes ambitions pour ses enfants, est aussi musicien. Il joue de la guitare et de la flûte. C'est un ancien musicien de la fanfare du Cap-Haïtien, qui inculque le goût de la musique à ses enfants. Hulric et son frère Lucien Pierre-Louis, qui deviendra trompettiste au sein de l'Orchestre Septentrional, sont alors loin d'imaginer qu'ils feront danser plusieurs générations d'Haïtiens et qu'ils marqueront à jamais l'histoire de la musique haïtienne.
Constant Pierre-Louis inscrit son fils chez les frères de l'Instruction chrétienne, où Hulric est initié au solfège par le père Doroté et M. Davous Gilles. Puis il se met à la guitare et bénéficie des conseils et du support de quelques talentueux musiciens avant de suivre des cours de guitare classique avec l'ancien directeur musical de la Fondation Vincent, David Désamours.
En 1942, Hulric est guitariste de l'Ensemble Symphonia, une formation musicale composée de jeunes lycéens du Lycée Philippe Guerrier du Cap-Haïtien et de quelques musiciens amateurs de la ville, puis, vers la fin de 1944, il fonde le Trio Symphonia avec Jacob Germain et Jacques Monpremier. Pour lui, ce n'est là qu'une distraction, un agréable passe-temps. Hulric n'a aucune intention de devenir musicien professionnel. Mais la mort de son père, en avril 1946, vient tout changer...
Hulric, admis en seconde, n'a plus les moyens de continuer ses études. Il lui faut gagner sa vie. Il intègre alors le Jazz Youyou, une formation musicale très côtée à l'époque, qui appartient à un ami de son père, Cirius « Youyou » Henri. Malheureusement, Hulric est une forte tête et, qui pis est, a du talent. Au cours d'une prestation, il refuse de saluer par un « ochan » un militaire qui, à l'époque, était très puissant. Il a eu une prise de gueule avec le maestro. Six mois plus tard, sa carrière au sein du groupe prend fin après une nouvelle altercation avec le maestro Youyou qui l'a surpris en train de s'exercer au saxophone au cours d'un intermède.
Toujours avec ses amis Jacob Germain et Jacques Monpremier, il fonde le Trio Astoria. Mais les affaires marchent mal, en dépit de leurs bonnes performances. Hulric propose alors au Quatuor Septentrional, qui avait du succès à cette époque, de fusionner leurs formations pour créer un plus grand orchestre. Jean Menuau qui dirige le quatuor refuse. Hulric tient bon et revient à la charge, plusieurs fois de suite.
L'occasion allait se présenter en juillet 1948 lors des fêtes champêtres de la Plaine du Nord et de Limonade. Le quatuor Septentrional n'est pas disponible pour les bals auxquels il est invité à performer, du 24 au 27 juillet, et l'un de ses musiciens et fondateurs, Léandre Fidèle, a la bonne idée de faire appel au Trio astoria auquel il adjoint deux ou trois autres musiciens.
C'est un succès total. Le mardi 27 juillet 1948, après le dernier bal à Limonade, l'Orchestre Septentrional est fondé et Hulric, avec sa forte personnalité, ne tarde pas à émerger comme un leader naturel parmi les musiciens.
En 1950, soit deux ans après la fondation de l'Orchestre Septentrional, Hulric devait en devenir le directeur et maestro, succédant à Jean Menuau. En 1954, il rejoint, à Port-au-Prince, l'ensemble du Riviera Hôtel que dirigeait Guy Durosier. Mais son absence ne dure pas longtemps. En 1955, enfant prodigue, il est de retour au sein de l'Orchestre Septentrional qui, pendant son absence, avait connu certaines difficultés. Il s'impose définitivement comme étant le meilleur directeur et maestro que le groupe ne connaitra jamais. Il était de retour à ce qui allait devenir la passion de toute une vie, l'Orchestre Septentrional, qu'il ne quittera plus jusqu'en 2003. Et, depuis cette date, il a été membre honoraire du Grand Orchestre Septentrional jusqu'à sa mort le 2 septembre 2009.
Le reste, c'est de l'histoire.

Avec le départ d'Hulric, il ne reste plus qu'un seul membre fondateur de l'une des plus grandes formations musicales qu'Haïti ait jamais connue, le batteur Atémis Dolcé, à qui nous présentons nos sympathies.

Hulric Elima Maurice Solon Pierre-Louis a, pendant des décennies, donné le meilleur de lui-même à tout un peuple qu'il a su faire chanter et danser, même dans les moments les plus sombres. Que la terre lui soit légère !

Patrice-Manuel Lerebours

jeudi 23 juillet 2009

Entre art et science: une vie, une passion...

Chanteuse, sociologue, elle a tout d’une femme complète et comblée. Stéphanie Séjour, plus connue sous le nom de Tifane est une femme qui se réalise, qui rêve sa vie et vit ses rêves. Belle, originale, passionnée ; des mots qui qualifient autant sa personne que sa voix et la carrière de chanteuse qu’elle mène. Elle a bien voulu répondre à toute la panoplie de questions Mizik Peyi n’...pour vous, ses fans et admirateurs…


Présentation

Mizik Peyi n'.- Parlez-nous un peu de vous. Qui est Stéphanie Séjour ?

Tifane.- Stéphanie est l'ainée d'un frère et une sœur, David et Gaëlle. Nous sommes 3 et ça va bien comme ça. Je suis une jeune femme simple, très cool, ouverte et très active. J'aime

travailler autan que j'aime m'amuser.


Parcours et Carrière

MP.- Parlez-nous de votre parcours dans la musique ?

T.- Mon parcours n'est pas aussi long. Mon plus grand pas dans la musique c'est la chanson que j'ai mise sur les ondes, la première que j'ai voulu présenter au public, elle s'appelle "Se kom

si". Après avoir été découverte avec cette chanson, tout a changé. Je me suis trouvée au beau milieu du monde musical avec des demandes de concerts, d'actes de présence, d'interviews, de collaboration avec d'autres artistes ou pour des films. Cela fait 4 ans déjà, tout s'est passé très vite et avec beaucoup d'ampleur. Maintenant je suis écoutée, surveillée et je vois que le public a de grandes attentes, c'est ce qui met la pression sur mon parcours.


MP.- Comment pouvez-vous qualifier votre expérience jusqu’ici ?

T.- Je pourrais me plaindre des côtés négatifs maintenant, avant pas vraiment, c'est comme ça que je me rends compte que je suis vraiment arrivée quelque part. Jusqu'à présent je dois dire que mon expérience n'est pas aussi mal. Il est vrai que j'ai fait face à des obstacles, des hauts et des bas, gce à Dieu je m'en sors toujours, et le plus souvent à tête reposée. Ma déception c'est peut être le fait que je vois l'hypocrisie qu'il y a dans ce domaine, des fois c'est décourageant, mais je ne suis pas encore là où je veux être donc je continue.


MP.- Quelle est la plus grande satisfaction que vous avez jusqu’ici tirée de votre vie d’artiste ?

T.- C'est difficile à dire puisque j'ai eu des moments extraodinaires. Je peux dire qu'être devenue une artiste internationale en moins de 2 ans est une de mes grandes satisfactions. J'avais toujours voulu chanter à l'étranger mais pas seulement pour les communautés haïtiennes mais pour d'autres nations.


MP.- En plus d’être une artiste, vous avez effectué des études universitaires avancées. Parlez-nous un peu de cet aspect-là de votre vie.

T.- Même si je savais tout au fond de moi que je deviendrais quand même une grande personnalité un jour, j'ai toujours été convaincue que mon éducation serait l'outil principal. Je suis Sociologue de formation et j'ai choisi la justice criminelle comme concentration parce que la délinquance juvénile et les crimes organisés m'intéressent beaucoup. J'ai travaillé avec des filles de 13 à 17 ans en détention, et j'ai créé un programme qui s'appelle Kalm, en Haïti, patronné par la fondation Voila de la compagnie de télécommunication ComCel. Je me sens utile à mon pays et j'ai un sentiment d'accomplissement lorsque je contribue à prôner la non violence.


MP.- Comment arrivez-vous à coupler l’art et la science dans votre vie de tous les jours?

T.- Croyez moi je ne sais pas comment mais à bien regarder j'arrive à faire les 2. Je suis sur scène en Haïti et à l'étranger n'importe quand, de nombreuses invitations à des évènements importants, mais lorsque je suis en Haïti, je vais dans les écoles dans les villes de province rencontrer les jeunes en tant que l'artiste qu'ils aiment mais surtout en tant que Sociologue concernée. Ce n'est que vers la fin de 2008 que j'ai vraiment appris à m'amuser, à créer du temps pour ma vie sociale et me faire des amis. C'est une question de gestion de temps bien que comme n'importe qui d'autre, je n'ai envie de rien faire certains jours.


MP.- Vous avez une musique qui plait, vos fans vous adorent et vous avez un avenir des plus prometteurs dans la musique (c’est le moins qu’on puisse dire) ; à qui et/ou à quoi devez-vous ce succès ?

T.- La première personne qui a cru en moi c'est ma mère. Je pense que c'est surtout parce qu'elle a vu ma termination. Mon père a beaucoup contribué à mon gout en musique, c'est un grand mélomane et il est fier de moi. Boulo Valcourt a joué un très grand rôle aussi en me donnant la chance de me présenter avec ma chanson d'amour et de la chanter. Il a senti qu'elle serait une chanson tube et c'est exactement ce qui s'est passé. Fabrice Rouzier ensuite a été d'un support impayable jusqu'à présent. Il supporte ma créativité et me donne des conseils. Et puisque je ne pouvais pas me présenter n'importe comment au public, David André, le styliste s'est dévoué à m'habiller comme une grande chanteuse, une star, avant même de l'être. c'est à Dieu avant et à eux après que je dois mon succès.


MP.- En quelques mots, dites-nous comment vous vivez votre vie d’artiste et votre succès actuel ?

T.- Je ne veux pas qu'elle m'empêche de vivre à mon aise, je me sens un peu pressurée des fois, mais tout de suite j'ai appris à ne pas essayer de plaire à tout le monde parce que c'est impossible. Je suis contente de pouvoir parler pour ceux qu'on n’écoute pas, et j'aime lorsque mes fans me disent que j'ai composé une chanson spécialement pour eux. Je suis restée moi-même, je ne pense pas que mon succès est aussi énorme qu'elle affecterait sérieusement ma vie. J'avoue quand même avoir perdu un peu de ma vie privée.


MP.- Quelques projets marquants pour l’avenir ?

T.- Mes projets sont en cours, le prochain album est la seule chose à laquelle je pense nuit et jour. Je suis très prise ces jours ci, je veux offrir quelque chose de beau et d'original.

Réflexions

MP.- Comment décrieriez-vous le monde musical haïtien?

T.- Piste glissante, très accueillante surtout lorsqu'on a du talent. Malheureusement la médiocrité se fait sentir et est très visible aussi parfois. La musique haïtienne arrive loin de plus en plus avec les groupes de racine, les groupes de Kompas de longue date.


MP.- Quels sont d’après vous les points forts de notre musique ?

T.- Notre musique a une richesse extraordinaire que nous n'avons pas grandement exploité. La langue créole est un des points fort de notre musique et nous avons tellement de rythmes entrainants que les étrangers en raffolent.


MP.- Qu’est qui doit être fait éventuellement pour enclencher un changement positif ?

T.- En premier lieu il faut que les haïtiens développent une honnêteté en ce qui a trait à ce que certains leur apportent, même s'il s'agirait de moi ou du plus grand chanteur haïtien. Il y a beaucoup de chansons qui n'aurait même pas du être en onde, ou des clips que les chaines de télévision aurait bannir carrément. On a une certaine tolérance pour des chansons sans fondement et pour la monotonie en musique. Je pense aussi que les chanteuses devraient avoir beaucoup plus de support et d'encadrement et pas seulement des compliments.


MP.- Comment voyez-vous le monde musical haïtien dans 10-20 ans ?

T.- Je ne sais pas encore. J'espère que les autres catégories de la musique Haïtienne à part le kompas seront mieux valorisées, et que les promoteurs, les investisseurs travailleront pour bien présenter les artistes haïtiens partout. Je vois une nouvelle génération d'artistes qui cherche des modèles surtout à l'étranger, et c'est ce qui m'inquiète pour le monde musical dans 10 ans.


MP.- Quels conseils donneriez-vous à un jeune haïtien qui veut se lancer dans la musique aujourd’hui ?

Mon meilleur conseil c'est de travailler son talent, et le polir. Il faut aussi se promettre de ne pas changer à cause ou avec le succès et d'être beaucoup plus artiste que super star. Lorsqu'il y aura des contrats à signer, il faut s'assurer qu'un avocat les consulte pour ne pas être perdant au moment de la récolte ( très important).


MP.- Un dernier mot ?

T.- Merci d'avoir pense à moi. Faites de la musique, ne faite pas de la colère!